François Blondeau, janvier 2021
À l’occasion du cinquantième anniversaire de la disparition de Pierre Gasnier (1875-1970), Espace air Passion propose une « Rencontre avec les frères Gasnier », les deux pionniers aéronautiques angevins qu’étaient René et Pierre, à travers une exposition exceptionnelle du 4 juillet 2020 au 11 avril 2021. Des pièces authentiques, et des visuels inédits confiés au musée par Madame Nicole Lacaze, héritière de la famille, sont présentés au public juste sous l’avion « René Gasnier III ».
Un article proposé par François Blondeau, président de l’Espace Air Passion, pour le Pôle Patrimoine.
Leur histoire
Les frères Gasnier sont issus d’une vieille famille angevine. Leur grand-père est éditeur et administrateur des Ardoisières d’Angers. Leur père, Robert Gasnier, procureur de la République, né le 12 mai 1841 à Bourgueil, décède prématurément le 13 avril 1877 à Angers.
Né en terre bretonne, à Quimperlé, le 27 mars 1874, René s’intéresse dès son plus jeune âge aux différents modes de locomotions terrestres, maritimes et aériens. Dans les années 1891, il remporte le championnat cycliste interscolaire à Neuilly. En 1896, il parcourt les routes d’Anjou avec un tricycle à vapeur de Dion, puis parcourt les routes d’Afrique du Nord à bord d’un voiture Bollée. A 17 ans, il acquiert l’expérience de la navigation, mais contracte à Saïgon une dangereuse maladie due au climat. A son retour, lui et son frère Pierre, réalisent de grands raids en ballon. René traverse la Manche de nuit en 1905, et il représente la France à la coupe Gordon-Bennet en 1907 aux États-Unis (il effectue 1082 kms en 38h10 !). Il s’intéresse aussi au « plus lourd que l’air », et réalise en septembre 1908 le premier vol en avion en Anjou, très vite complété par deux autres prototypes, dont le troisième est exposé à Espace Air Passion. Sa notoriété se développe rapidement. Il participe à la création de la première école de pilotage aux côtés des frères Wright, ainsi qu’à la naissance de l’aérodrome d’Angers-Avrillé avec son frère. Ils organisent les premières courses de ville à ville : Angers-Saumur en 1910 et Angers-Cholet-Saumur en 1912. La maladie le rattrape malheureusement, et il décède le 03 octobre 1913 au château du Fresne, la résidence familiale à Bouchemaine.
Pierre Gasnier est né le 16 septembre 1875. Il accompagne son frère René dans ses travaux et fonde l’aéro-club de l’Ouest. Il devient pilote d’avion en 1911, et prend une part importante dans l’organisation des premières courses aériennes en Anjou. Il se fait bientôt appeler Pierre Gasnier du Fresne, en référence à la propriété familiale de Bouchemaine. En 1914, Pierre est mobilisé et vole sur avion Morane « Parasol » et Nieuport 17. Après l’armistice, il se consacre à la préparation militaire. Il crée le premier centre d’entraînement des pilotes de réserve à Angers en 1925. Il organise les courses aéronautiques des 12 heures d’Angers de 1933 à 1936. Président d’honneur de l’aéro-club de l’Ouest, il poursuit son action visant à offrir à Angers une aura internationale dans le monde aéronautique. Il décède à Bouchemaine le 24 décembre 1970.
Les deux frères Gasnier, et Jeanne Gasnier du Fresne, épouse de Pierre, reposent dans la chapelle Notre-Dame de Lorette, située en surplomb de la Haie Longue, au-dessus du champ des premiers vols.
Un grand moment d’émotion
Habitant à quelques centaines de mètres du château du Fresne, demeure de nos deux pionniers, j’ai fréquemment eu contact avec Madame Nicole Lacaze descendante des frères Gasnier. Le projet de vente de cette demeure va amener Madame Lacaze à retrouver un fond historique exceptionnel concernant nos deux pionniers : des documents et photographies du 19ème au 20ème siècle, des ouvrages, et surtout un petit album contenant plus d’une centaine de photos, identifiées et datées, concernant leurs aventures de 1905 à 1912 !
Elle a eu la gentillesse de confier cette manne au musée Espace Air Passion d’Angers. L’exploitation méthodique de ce fond d’archives commença par un inventaire puis une numérisation en haute définition à l’aide de matériel professionnel : un énorme travail nécessaire à la sauvegarde d’un tel fond documentaire.
Et après ?
Il n’était pas envisageable que ce pan d’histoire locale ne soit pas porté à la connaissance de notre Anjou et d’ailleurs. Nous avons toutes et tous l’obligation de transmission de notre histoire.
En effet, il est de notre devoir de transmettre l’histoire exceptionnelle de ces deux « Sportsmen » : étonnantes aventures, entre Tintin, Jules Verne et autres personnages de légende.
Dans un premier temps, nous allons réaliser une exposition dans notre musée Espace Air Passion constituée de huit panneaux richement illustrés, complétés de pièces de collection, d’une réplique d’avion Nieuport de 1917, tout cela placé, bien sûr, sous l’avion René Gasnier numéro III, pièce originale phare de notre site. Celle-ci va nécessiter de nombreuses heures de travail et notamment d’un traitement informatique des photos utilisées. L’ensemble de cette préparation, y compris les maquettes des panneaux, sera réalisé par nos membres bénévoles. Elle va rencontrer un grand succès, une couverture presse, provoquer l’émerveillement de nos visiteurs et même, parfois, de descendants des personnages de cette époque. Ils vont ainsi découvrir les visages de René et Pierre Gasnier, mais également de toutes les célébrités de ces temps magiques : Julien Bessonneau (fabriquant angevin de cordages et de hangars si célèbres pendant la première guerre mondiale), André Cointreau, Santos Dumont, Rolland Garros et une grande partie de nos pionniers de l’aérostation et de l’aviation.
La rédaction d’un ouvrage, ayant pour base les documents collectés récemment, est vite devenu un projet motivant. Pas si simple… Il faut d’abord recouper le riche fond photographique avec le fond d’archives du musée, ou d’autres provenances. Les nombreux articles, et biographies déjà écrites sont certes un guide. Mais, rapidement, nous découvrons que tout n’est pas parole d’Évangile et que tout doit impérativement être vérifié. Ces travaux nous confirment que deux éléments essentiels sont indispensables : une base d’archives riche et soigneusement répertoriée, ainsi qu’un réseau.
En ce qui concerne le premier point, il n’est pas à prouver que les archives d’Espace Air Passion sont un trésor. La revue « l’Aérophile » de l’aéro-club de France, dont notre musée possède la collection presque complète depuis sa parution au 19ème siècle, est un des socles de nos recherches.
Quant au réseau, permettez-moi de vous donner deux exemples. J’ai très vite « buté » sur certains éléments de l’histoire maritime de René Gasnier. Grâce notamment au Pôle Patrimoine, j’ai sollicité avec succès l’aide de personnes compétentes dans ce domaine sur toute la région et au-delà. Dévoués pour le patrimoine, ils se mobilisent pour nous aider (et rien n’est simple !). Citons-en quelques-uns : Alain le Doaré, Frédéric Grellier (cap-horniers nantais), François Puget (qui a rédigé un très bel ouvrage sur l’histoire des yachts en fer de Nantes : 1850-1902). Ce dernier m’a permis de retrouver l’histoire complète du splendide cotre « l’Arlequin » construit aux chantiers Oriolle à Nantes, en 1899, ayant appartenu à René Gasnier.
Les sites internet ont également été d’un grand secours dans le domaine maritime, notamment celui des archives départementales de Loire-Atlantique.
Autre question, et pas des moindres : Comment étaient construits les ballons à gaz du début du 20ème siècle tant utilisés par nos deux pionniers ? Un certain Michel Bénichou, historien bien connu dans le domaine aéronautique, va gentiment nous éclairer au cours d’une discussion téléphonique, et même nous donner les références d’un ouvrage Le Royaume de l’Air de Saint Fégor de 1909 ! Cela va nous permettre d’apprendre beaucoup sur cette drôle de « bulle de gaz ».
Rendez-vous en 2021 pour la parution de cet ouvrage richement illustré !