Par Tanguy Dupuy, juin 2021
« Un écomusée, ce n’est pas un musée comme les autres. […] C’est un miroir où la population se regarde, pour s’y reconnaître. » C’est ainsi que George-Henri Rivière, le fondateur du Musée national des arts et traditions populaires et “père” des écomusées en France, les définissait en 1976. Concrètement, les écomusées sont des institutions culturelles chargées d’assurer les missions de recherche, de conservation et de valorisation des biens naturels et culturels, qu’ils soient matériels (outils, habitat…) ou immatériels (savoir-faire, métier…), du territoire sur lequel ils sont implantés.
Les écomusées sont nombreux sur le territoire des Pays de la Loire, et une partie d’entre eux sont adhérents du Pôle Patrimoine. Cet article vise à vous les faire découvrir en décrivant à la fois la manière dont ils sont gérés, le patrimoine qu’ils défendent, mais aussi les publics ciblés par leurs actions. Rencontre avec l’Écomusée rural du Pays nantais, l’Écomusée du Daviaud et le Musée du Vignoble nantais.
Des musées défenseurs du patrimoine rural
Le but premier de ces trois musées est de défendre le patrimoine rural, sous toutes ses formes. Cela se traduit d’abord par des collections composées d’objets ruraux. À l’Écomusée rural du Pays nantais sont exposés des milliers d’outils liés à l’artisanat ou à l’agriculture. L’ensemble a été mis en scène dans un village reconstitué par les bénévoles de l’association pour montrer les métiers d’antan. Le matériel agricole est également à l’honneur au Musée du Vignoble nantais, qui expose bon nombre d’objets techniques qui témoignent du savoir-faire dans la culture de la vigne et dans la production du vin, sur l’aire d’appellation Muscadet. Pour sa part, le Daviaud détient une large collection d’objets d’art et tradition populaire, comme des vêtements, des outils ou des objets de la vie quotidienne.
La défense du patrimoine rural local se caractérise aussi par la présentation d’éléments de plein-air plus monumentaux, qui témoignent des savoir-faire anciens. Le Daviaud propose à ses visiteurs de découvrir le patrimoine architectural typique du marais breton vendéen. Plusieurs bâtiments ont été transportés sur le site pour cela. Ils offrent aujourd’hui la possibilité de montrer les savoir-faire anciens, comme les toitures en roseaux ou les constructions en terre. De même, à l’Écomusée rural du Pays nantais, sur le site de la Pâquelais, un moulin est ouvert à la visite pour faire comprendre la méthode d’élaboration de la farine. Enfin, le Musée du Vignoble nantais possède un conservatoire d’une quinzaine de cépages différents qui sont représentatifs de ce qui est cultivé ou de ce qui l’a été sur le territoire.
En somme, les écomusées sont chargés de défendre le patrimoine de leur territoire, sous toutes ses formes : le matériel (outils etc.), les traditions (vêtements etc.) et les savoir-faire (métiers anciens, technique de construction etc.).
Des gestions différentes
Le domaine où les trois écomusées se distinguent le plus est la manière dont ils sont gérés. Le premier cas de figure est l’Écomusée rural du Pays nantais qui est détenu et animé par une association. Cette association, qui compte une quarantaine d’adhérents, plus ou moins actifs, s’appuient sur une seule et unique salariée. L’animation du musée (visites, ateliers etc.), mais aussi l’entretien du site, repose donc sur les bénévoles de l’association. Cette gestion associative pose problème, notamment sur le plan financier. Bien que le musée parvienne à s’autofinancer à hauteur de 80 %, ils doivent rechercher des partenaires pour les aider (la commune de Vigneux-de-Bretagne par exemple).
À l’opposé de ce modèle, l’Écomusée du Daviaud. Le terrain de l’écomusée a toujours appartenu à la Communauté de communes Océan-Marais de Monts, mais dans les premières années d’existence de la structure, il était principalement animé par des associations. Depuis, la collectivité a repris en charge cette mission et peut s’appuyer sur une dizaine de postes (une vingtaine l’été) pour animer les cinq sites lui appartenant. Les bénévoles se sont alors progressivement mis en retrait, si bien qu’ils n’interviennent plus au quotidien au Daviaud. Ils peuvent néanmoins toujours collaborer avec les équipes du musée pour un projet particulier.
Le Musée du Vignoble nantais a opté pour un fonctionnement hybride entre ces deux modèles. Il est également géré par une collectivité, le syndicat mixte du SCoT et du Pays du Vignoble nantais, mais en étroite collaboration avec l’association culturelle Pierre Abélard, fondatrice du musée. Ainsi, cinq salariés sont chargés du musée (valorisation, programmation, accueil, gestion des collections, boutique), assistés par une équipe d’une demi-douzaine de bénévoles. Ces bénévoles sont principalement chargés d’assurer les visites, notamment le dimanche. En outre, ils peuvent être mobilisés pour participer à la documentation des collections. On voit donc à travers ces trois exemples que les gestions des musées peuvent être très différentes, même s’ils défendent des patrimoines similaires.
Une volonté d’inclure tous les publics
Les trois écomusées expriment leur volonté d’inclure tous les publics. La priorité est néanmoins d’intégrer autant que faire se peut la population locale, puisque l’écomusée la représente. Toutefois, les sites accueillent bien volontiers des visiteurs extérieurs au territoire. Un écomusée comme Le Daviaud reçoit d’ailleurs majoritairement des visiteurs estivants.
Les écomusées mettent en place des actions pour s’adapter aux visiteurs de tout âge. Pour les enfants, des ateliers sont mis en place pour les initier au patrimoine, aux savoir-faire anciens (fabrication de pain, de beurre, de papier, du tissage, de la sculpture à l’Écomusée rural du Pays nantais ; vendanges et pressurage du raisin au Musée du Vignoble nantais), aux traditions (habillement au Daviaud) et à l’environnement (les oiseaux, le marais etc.) de manière ludique et pédagogique. Pour les familles, ils organisent des visites libres ou guidées, de mai à septembre pour l’Écomusée rural du Pays nantais et Le Daviaud, d’avril à novembre pour le Musée du Vignoble. Au Daviaud, ces visites sont thématiques (les marais salants, la ferme, la boulangerie) et les objets des collections sont mis en scène. Enfin, les écomusées s’ouvrent aussi aux personnes âgées, qui ont souvent de bons souvenirs de certains des objets exposés, comme l’explique Paul Robert, président de l’association de l’Écomusée rural du Pays nantais.
Enfin, ils participent tous les trois à de grandes manifestations culturelles, ce qui les rend accessibles à tout un chacun. En plus des traditionnelles Journées européennes du patrimoine et Nuits des musées, certains d’entre eux participent à des fêtes locales, voire même les organisent. C’est par exemple le cas du Daviaud qui participe à la Fête de la vache maraîchine, un animal emblématique du marais breton vendéen. Pour sa part, l’Écomusée rural du Pays nantais participe à plusieurs fêtes comme les Journées des moulins et du patrimoine meulier d’Europe, les Journées du patrimoine de Pays et des moulins ou encore la fête du blé noir (septembre). Ils organisent aussi des marchés avec des producteurs locaux.
Par ces différentes actions, les écomusées adhérents du Pôle Patrimoine montrent bien leur volonté de faire découvrir le territoire et ses particularités à un public aussi large que possible.
Une réelle capacité de rebondir face au Covid
Malgré la fermeture des établissements culturels en raison du contexte sanitaire, les écomusées adhérents du Pôle Patrimoine ont tout fait pour rester actifs. En renforçant leur communication sur les réseaux sociaux tout d’abord, pour présenter les collections et le travail des équipes sur celles-ci pendant la fermeture de l’établissement. Le Musée du Vignoble Nantais a aussi décidé d’intervenir auprès des scolaires directement dans les écoles. L’Écomusée rural du Pays Nantais a pour sa part mis en place un « drive fermier ». Il s’agit d’une vente de produits frais, préparés par les adhérents de l’association. Selon le président, cette initiative a été particulièrement bien reçue par les habitants du territoire et a permis aux adhérents de se remobiliser après plusieurs semaines d’inactivités. La fermeture a aussi permis aux équipes des écomusées de préparer des éléments qui amélioreront la qualité de la visite. Ainsi, le Daviaud a mis à profit cette période pour réaliser un gros travail de restauration des collections, tandis que le Musée du Vignoble a œuvré à la refonte de la médiation.
La mise en réseau des sites
Si les trois écomusées peuvent éventuellement discuter entre eux, ils ne collaborent pas activement à ce jour. C’est une situation qui pourrait changer grâce aux réseaux qui permettent de relier les différents sites. Le Pôle Patrimoine tout d’abord, qui en réunit quatre au total, avec la bourrine du bois Juquaud. Ils sont également tous membres de la Fédération des écomusées et musées de sociétés (FEMS), un réseau qui regroupe près de 180 établissements (écomusées, musées de société, centres d’interprétation) avec pour objectif de favoriser leur entraide et leur coopération.
Remerciements
Le Pôle Patrimoine remercie Clotilde Dupé-Brachu (responsable du service patrimoine au syndicat mixte du SCoT et du Pays du vignoble nantais), Paul Robert (président de l’association de l’Écomusée rural du Pays nantais) et Jean-Guy Robin (responsable scientifique et technique au Pôle des affaires culturelles de la Communauté de communes Océan-Marais de Monts) qui ont accepté de répondre à nos questions.