Par Maxime Griveau, le 28/06/2021
Signaler, étymologiquement c’est donner du signe : créer des données pour accéder à une ressource. Bien que le signalement du patrimoine ne semble pas être la partie la plus intéressante le concernant, il n’y a pas de valorisation sans ce dernier. Le Pôle Patrimoine vous propose dans cet article de revenir sur l’importance de signaler le patrimoine, qu’il soit écrit, immatériel ou encore industriel.
Un trésor dans votre bibliothèque : signaler le patrimoine écrit
Probablement le patrimoine le plus emblématique quand on évoque le signalement, le patrimoine écrit, fait depuis longtemps l’objet de grandes missions de signalement. Ainsi, dès la Monarchie de Juillet, la volonté de création d’un catalogue général des manuscrits conservés dans les bibliothèques de France se fait sentir sans réellement aboutir. À partir de 1880 la volonté se transforme en une véritable impulsion et commence alors la publication de volumes du catalogue des bibliothèques publiques de France qui durera jusque dans les années 1990, supplanté par l’informatique. Ce sera alors la création du Catalogue collectif de France (CCFr) piloté par la BnF : les volumes papier seront alors convertis au format EAD (encoded archivistical description) qui est désormais la norme de la description archivistique. Bien que le CCFr compte plus de 40 millions de documents répertoriés, le signalement est encore très loin d’être terminé. En témoignent — pour exemple — les 42 000 ouvrages conservés dans le fonds ancien de la bibliothèque municipale de Laval qui sont en cours de signalement. Si le patrimoine écrit est emblématique quand on évoque le signalement, c’est que s’il reste dans les bibliothèques sans être signalé, il est totalement invisible de ses potentiels lecteurs. À n’en pas douter, les fonds non encore signalés sont autant de trésors qui dorment dans nos bibliothèques.
1- Breviarum Lucionense. 303 fol. ; 18,3 x 12,9 cm ; XIIIe siècle, Bibliothèque municipale de La Roche-sur-Yon
2- BEAUVAIS, F. DEVERDUN, A., Laval en 1753 Grand plan de 87x55 cm, vue cavalière (du nord), en noir Laval, 20 février 1863 Bibliothèque municipale de LAVAL
3- Château de la Loire-Inférieure - SAINTE-LUCE - Château du Perrier, Cartes postales, Bibliothèque municipale de Nantes, fonds Chapeau
Le patrimoine immatériel : le signalement comme enjeu principal
Il est un patrimoine qui n’existerait pas s’il n’était pas signalé : il s’agit du patrimoine immatériel, qui — par définition — n’a pas d’existence physique. Là où le patrimoine bâti (et même écrit) est visible, le patrimoine immatériel existe uniquement, car il est signalé, en dehors de pratiques bien visibles (festivités par exemple). Ce travail de signalement (précédé d’un travail de collecte) est réalisé (entre autres) par l’Office pour le patrimoine culturel immatériel (OPCI) qui alimente et assure un travail de maintenance sur la base RADdO (réseau d’archives et de documentation de l’oralité) dont la grande richesse est une recherche très simple et précise grâce à un travail fin de signalement. Car, oui, il y a signalement et Signalement ! Dans le cas des ouvrages par exemple, se contenter de renseigner titre, auteur et date de parution n’est, bien souvent, pas adapté au besoin de l’utilisateur. Il faut donc réaliser un travail d’indexation par mots-clés important, comme c’est le cas dans RADdO. Un autre paramètre important à prendre en compte quand il s’agit de signalement : la création de normes précises et rigoureuses. Imaginez par exemple que vous recherchiez sur le catalogue collectif de France tous livres écrits par Alfred Jarry : pour que votre recherche aboutisse, il faut au préalable que la personne qui a signalé les documents ait renseigné Alfred Jarry bien sûr, mais il faut que son rôle ait aussi été renseigné : était-il auteur, destinataire de lettre, émetteur de lettre, etc. Il faut aussi que le nom soit renseigné sans fautes. Pour Alfred Jarry, la question ne se pose pas, mais certains auteurs ont plusieurs graphies à leur nom, il faut donc décider quelle graphie sera la bonne, tout en conservant les « mauvaises » graphies en cas d’erreur de l’utilisateur ; c’est le rôle des notices d’autorité. Pour le plaisir des yeux, et pour se rendre compte du travail de titan réalisé (40 millions de notices sur le CCFr, rappelez-vous) voici ce que donnerait l’indexation d’Alfred Jarry en tant qu’auteur en EAD :
Imaginez que pour chaque personne, lieu géographique, date, etc. Il faut, à chaque fois, remplir tous ces champs : c’est un travail de fourmi qui demande précision et temps. Mais un patrimoine non signalé ou mal signalé est totalement invisible. Alors que faire ? On peut sembler totalement démuni face à une telle charge de travail, et chaque structure n’a pas forcément les compétences pour signaler ses fonds. Si vous vous sentez démuni, le meilleur conseil serait sûrement de vous rapprocher des archives départementales dont c’est le métier ; à la fois de signaler bien sûr, mais aussi de conserver, de classer, de communiquer, de valoriser les documents ils pourront, à la fois vous conseiller sur la bonne marche à suivre et vous pourrez, éventuellement, leur faire don de votre fonds si les archives estiment qu’il est intéressant de le conserver. Si vous avez la capacité de recevoir du public pour consultation (il faut alors avoir une véritable bibliothèque associative), vous pouvez demander à répertorier vos fonds dans le répertoire du Catalogue collectif de France qui recense les fonds conservés en France en précisant, à gros traits, leur contenu : l’avantage est que répertorier un fonds est assez rapide et que la tâche est plutôt simple ; n’hésitez pas à vous rapprocher de l’équipe du CCFr pour plus d’informations. Si vous souhaitez améliorer la gestion des documents que conserve votre association, n’hésitez pas à consulter le guide réalisé par les archives d’État du Valais.
Sources :
- Plazannet, F. (2003, janvier 1). Le catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2003-05-0074-002
- ERTZSCHEID Olivier, Indexation et catalogage, cours de 2e année de DUT information et communication, Université de Nantes, La Roche-sur-Yon.